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(Crédit photo Charles Gloeckler)

Pratiquée dans de rares centres en France (dont Nice et Marseille), la neurostimulation est prise en charge par l’Assurance-maladie, dès lors que les indications sont bien posées.

Des stimulations électriques contre ces douleurs chroniques : efficace, mais encore peu pratiquée, cette technique devrait voir ses indications croître.

Ils ont été opérés pour une hernie discale, ils présentent une lésion de la moelle épinière à la suite d’un traumatisme, ils sont atteints d’une maladie comme le diabète, ils ont été traités par radio ou chimiothérapie… Entre 1,5 et 3 millions de Français souffrent de douleurs dites neuropathiques, qui comme leur nom l’indique, sont liés à des « blessures » au niveau des nerfs. « Ces douleurs, de type de brûlure avec parfois des sensations de coups de poignard ou de chocs électriques, sont souvent réfractaires aux antalgiques classiques. Les seuls médicaments relativement efficaces, comme les gabapentinoïdes (Neurontin, Lyrica…) ou certains antidépresseurs, ont des effets secondaires importants : baisse de concentration, d’activité, ralentissement, prise de poids… », résume le Dr Patrick Fransen, neurochirurgien à l’IM2S à Monaco.

Ce spécialiste de la douleur voit depuis des années arriver en consultation des patients désespérés après des années de cohabitation, avec des douleurs qui transforment en véritable épreuve chaque acte de leur quotidien. Et qui ont tout essayé. « On a vu progresser de façon spectaculaire les prescriptions d’opioïdes forts (morphine, mais surtout oxycodone), aujourd’hui à l’origine d’un immense scandale sanitaire aux USA. Sous l’influence des laboratoires, ces traitements réservés jusque-là aux douleurs cancéreuses et pour des durées courtes, ont commencé à être prescrits à long terme à des patients atteints de douleurs chroniques, neuropathiques en particulier. »

Dépendance, surdosage… Quelque 70 000 décès associés à la prise de ces opioïdes ont été enregistrés aux USA au cours de la seule année 2017. Quelles solutions pour ces personnes en proie à des douleurs neuropathiques quasi insupportables ? Encore peu répandue, et assez méconnue du grand public, la neurostimulation est un recours possible. « Il ne s’agit pas d’un traitement miraculeux, tempère le Dr Fransen. Mais, lorsqu’il est proposé à des patients bien sélectionnés, il permet de soulager sensiblement les douleurs. »

« La neurostimulation est nettement plus efficace que les morphiniques. »

Dr Patrick FRANSEN

Neurochirurgien

Brouiller le message douloureux

Ce n’est pas via une action directe sur le nerf lésé, mais en « mimant » un processus naturel de lutte contre la douleur que cette technique agit. « Lorsque l’on se heurte à quelque chose, que l’on se fait mal, on a tendance spontanément à frotter la zone, illustre le Dr Fransen. Cette action permet en réalité de noyer l’information douloureuse dans l’information sensitive, plus puissante, et qui emprunte une voie différente au niveau anatomique. C’est ainsi que l’on diminue la transmission de la douleur vers le cerveau. La technique de neurostimulation est basée sur le même principe : on envoie une impulsion électrique au niveau des cordons postérieurs de la moelle épinière, là où se trouvent les voies sensitives (lire ci-contre). On bloque ainsi la transmission de la douleur neuropathique au cerveau. »

« 50 % de douleurs en moins »

Lorsque l’indication de neurostimulation est bien posée, l’intervention peut donner des résultats assez spectaculaires : « 80 à 90 % des patients constatent une amélioration sensible de leurs symptômes, avec 50 % de douleurs en moins ». Mais tous les malades ne sont, malheureusement, pas éligibles. La sélection est même drastique. Le chirurgien nous en explique les raisons : « Beaucoup de personnes atteintes de douleurs neuropathiques se livrent à une véritable errance médicale. Ils prennent de multiples avis et arrivent généralement à la chirurgie, totalement épuisés, en ayant perdu confiance dans la médecine. Et surtout, ils sont souvent addicts à leurs médicaments. Ces conditions sont assez peu favorables au succès de la technique. »

Pour que plus de patients puissent en bénéficier, il faudrait, selon le Dr Fransen, revoir les indications. « Aujourd’hui, ce traitement coûteux – environ 10 000 euros pris en charge depuis 2009 – n’est proposé qu’avec parcimonie, en dernière ligne. On devrait pouvoir traiter des patients plus tôt dans leur parcours, sachant que la neurostimulation est nettement plus efficace que les morphiniques, par exemple, contre les douleurs neuropathiques chroniques. » Heureusement, les choses seraient en passe d’évoluer, « le rapport coût efficacité jouant en faveur de la neurostimulation ». Un message d’espoir à destination de ces milliers de Français qui souffrent dans l’ombre.

La procédure

Des électrodes de petite taille sont introduites, via une petite incision, et sous anesthésie générale,dans le canal rachidien, au niveau postérieur de la moelle épinière, entre la 9e et la 11e vertèbre lombaire. « C’est à cet endroit que l’on obtient les meilleurs résultats antalgiques », commente le Dr Fransen. Ces électrodes sont reliées à un petit câble qui passe sous la peau et sort pour être connecté à un générateur.
Pendant une semaine, le patient va vivre avec ce dispositif, et c’est seulement lorsqu’il l’a validé – il doit faire état d’au moins 50 % d’amélioration de la douleur – que l’implantation devient définitive. L’électrode est alors connectée à un petit boîtier générateur de type pacemaker, placé sous la peau. Le patient dispose d’une télécommande qui lui permet de régler le générateur. Un mois après la pose du dispositif, celui-ci est testé pour optimiser les conditions de stimulation les plus efficaces sur la douleur. « La gestion du dispositif de neurostimulation est assez complexe, reconnaît le spécialiste.
On a besoin du feedback du patient pour optimaliser l’efficacité de la stimulation. »

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Dr Patrick FRANSEN

Chirurgie du rachis - Neurochirurgien
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