Qu'est-ce qu'une entorse de cheville?
Définition et Épidémiologie
La cheville est une articulation complexe regroupant un ensemble d’éléments anatomiques très variés (articulation, os, tendon, capsule articulaire). Cette articulation est soumise à des contraintes répétées pouvant entrainer des lésions de tout ordre.
Une entorse est une lésion ligamentaire traumatique due dans la grande majorité des cas à un mécanisme indirect.
Pour exemple, nous recensons en France environ 6000 entorses de cheville (1) chaque jour représentant, tous sports confondus, environ 20% des traumatismes sportifs survenant souvent dans les sports collectifs avec changements brutaux d’appuis (ex : basket, football, volleyball). Jusqu’à 70% de la population subit une entorse latérale de la cheville dans sa vie (2).
A la suite d’une première entorse dans la population générale, le taux de récidive dans l’année est 3,5x plus important par rapport à un sujet sain et de 70% chez les patients sportifs (2). Une reprise trop précoce est un facteur de risque de récidive puisque 80% des sportifs reprenne dans la semaine qui suit le traumatisme (3).
Une prise en charge optimale et un suivi optimisé est donc nécessaire afin de permettre au patient de récupérer au mieux suite à son traumatisme.
Examen clinique
Interrogatoire
C’est le premier temps de l’examen et il permettra de se faire une idée de l’importance des lésions en précisant notamment le mécanisme lésionnel de l’entorse qui apportera une compréhension du traumatisme.
L’âge ainsi que les antécédents d’entorse ou d’instabilité chronique seront des éléments à évaluer également.
La recherche de signes de gravité permettra d’orienter notre raisonnement clinique :
- Douleur syncopale initiale
- Sensation de déchirure ou de déboitement
- Craquement entendu
- Appui impossible
- Gonflement immédiat
- Ecchymose précoce
Examen physique de la cheville
Il permet de rechercher une déformation du pied ou une douleur lors de la palpation des reliefs osseux faisant suspecter une fracture. L'évaluation des mobilités articulaires est un élément à prendre en compte également.
L'évaluation ligamentaire du LCL par un testing précis permettra de déterminer l'atteinte d'un ou plusieurs faisceaux constituant ce ligament.
Enfin, les structures tendineuses (tendons des tubulaires, tibial postérieur, tibial antérieur, etc...) et ligamentaires (ligament tibia-fibulaire antérograde-inférieur) avoisinant la région douloureuse seront testées également.
Reliefs osseux à palper à la recherche d'une douleur pouvant orienter vers une fracture
Examens complémentaires
Radiographie
Faut il réaliser systématiquement un bilan radiographique devant tout traumatisme de la cheville ? Seul 10% des traumatismes présentent une fracture. Des critères d'aide à la prescription (critères d'Ottawa) d'une radiographie ont été élaboré afin d'aider le praticien dans sa démarche clinique. A noter que l'âge ne fait plus parti aujourd'hui de ces critères.
Les critères sont les suivants :
Échographie
Facile d’accès, l’échographie permet d’étudier l’ensemble des structures ligamentaires, tendineuses et aussi d’identifier la présence d’un épanchement articulaire. L’avantage de cet examen réside aussi dans l’étude dynamique des différents éléments.
L’intérêt de l’échographie est double :
- Stade de gravité de la lésion
- Épaississement/distension d’un ligament (grade 1) = entorse bénigne
- Rupture partielle d’un ligament (grade 2) = entorse moyenne
- Rupture complète d’un ligament (grade 3) = entorse grave
- Bilan des lésions associées
- Entorse sous talienne
- Entorse du médio pied (Chopart)
- Entorse du ligament tibio-fibulaire antéro-inférieur
- Luxations des tendons des fibulaires
- Rupture du tendon d’Achille
Autres examens complémentaires
En 2e intention, il est possible de réaliser
- Un scanner/arthroscanner si :
- Douleur osseuse persistante avec appui difficile (lésion osseuse)
- Recherche d’une lésion ostéochondrale du dôme du talus
- Une IRM si :
- Mauvaise évolution
- Recherche d’une lésion associée
Traitement de l'entorse de cheville
Une fois les diagnostics différentiels éliminés et la confirmation d’une lésion isolée du LCL de la cheville, le traitement se décompose en plusieurs parties :
- Mise en place du protocole « POLICE » dans un premier temps
- P = Protection de la cheville
- OL = Optimal Loading = appui adapté en utilisant une paire de cannes anglaises si douleur
- I = Ice = Glace
- C = Compression
- E = Élévation du membre inférieur
- Prescription d’antalgique adapté en prise orale et en application locale
- Immobilisation de la cheville à l'aide d'une orthèse adapté. En fonction de la gravité et de la douleur du patient, il pourra être proposé une attelle de cheville ou une botte de marche. Les durées de port sont comprises entre 1 à 4 semaines selon la gravité de l'entorse et de l'évolution clinique.
- Kinésithérapie : La place de la kinésithérapie est essentielle dans la prise en charge d'une entorse de cheville. Elle a pour but de redonner la fonctionnalité initiale de la cheville avant le traumatisme. Pour cela, il sera intéressant de mobiliser précocement la cheville tout en respectant le principe de non-douleur, de drainer l'hématome/œdème, de glacer.En fin de rééducation, le renforcement de l'ensemble des structures tendineuses et musculaires permettant la stabilité de la cheville sera primordiale à réaliser tout en y associant un travail de proprioception.
Le strapping et/ou la chevillère de maintien ?
Bien que certaine étude indique que le strapping de la cheville permettrait une diminution de l’incidence des entorses latérale de la cheville (8), il ne faut pas oublier qu’il ne remplace pas une rééducation bien réalisée afin de restaurer la fonctionnalité d’une cheville.
Intuitivement nous pourrions penser que le strap ou la chevillère de maintien pourrait avoir un effet protecteur sur le mouvement d’inversion de la cheville (9) alors qu’il a été démontré que les muscles fibulaires sont trois fois plus efficaces (10) pour limiter ce mécanisme d’inversion.
D’autre part, le strap peut permettre d’améliorer le rappel proprioceptif (amélioration de la qualité et de la quantité des informations sensitives transmises au cerveau).
Enfin, il a été démontré qu’un strap est efficace que pendant une durée ne dépassant les 30 minutes (8–13)
Pour conclure, le strapping ou la chevillère peut être un outil intéressant sur le plan proprioceptif mais présente ces limites au niveau de sa durée d’efficacité et ne remplacera jamais une rééducation rigoureuse et bien conduite.
Quels sont les risques de complications si une entorse du LCL est mal prise en charge ?
- Risque d’instabilité de la cheville
- Récidive d’entorses (7)
Quand reprendre le sport après une entorse de cheville ?
Avant toute reprise sportive, il est nécessaire de valider certaines étapes de rééducation tout en prenant en compte les spécificités de chaque sport dans un deuxième temps concernant la réhabilitation :
- Absence de douleur
- Amplitude articulaire normale
- Force musculaire des fibulaires satisfaisantes
- Saut unipodal et bipodal sans douleur
En moyenne, le délai minimum de retour au sport pour chaque stade de l’entorse du LCL isolée est de :
- Entorse bénigne (grade 1) : 2-3 semaines
- Entorse moyenne (grade 2) : 4-6 semaines
- Entorse grave (grade 3) : 6-8 semaines
Conclusion
L'entorse de cheville est une pathologie fréquente à ne pas négliger. Un diagnostic précis permettra d'orienter la prise en charge de manière optimale constituée d'un traitement antalgique, d'une immobilisation et de séances de kinésithérapie.
Un traitement bien conduit permettra d'éviter des récidives d'entorses et l'installation d'une instabilité chronique de cheville.