(Crédit photo Pexels)

Ouvrir une porte, tourner une clef… ces gestes simples peuvent devenir très douloureux en cas de rhizarthrose, maladie entraînant la destruction progressive du cartilage. On fait le point, du diagnostic aux solutions.

L’arthrose du pouce ou rhizarthrose peut être très handicapante au quotidien. Taper sur un clavier, pianoter sur le téléphone ou même se laver les dents représentent de véritables épreuves en cas de douleurs intenses.

En France, quelque1,8 million de personnes sont concernées:1 femme sur 3 après la ménopause et 1 homme sur 8. Avec l’essor des nouvelles technologies, l’utilisation accrue des pouces et la généralisation du télétravail, la rhizarthrose pourrait toucher un public de plus en plus jeune.

Du diagnostic aux solutions, on fait le point sur cette maladie dégénérative qui affecte le pouce avec le Dr Bruno Lussiez, président de la SFCM (Société française de chirurgie de la main) et chirurgien orthopédiste au sein de la clinique médico-chirurgicale orthopédique de Monaco (IM2S).

La rhizarthrose, c’est quoi?

La rhizarthrose est la dénomination médicale de l’arthrose de la base ou racine du pouce. Souvent bilatérale (elle touche les deux pouces), « elle se localise sur l’articulation trapézo-métacarpienne (entre l’os trapèze et le 1er métacarpe). Il s’agit d’une destruction progressive du cartilage entraînant l’usure de l’articulation ».

Il devient alors compliqué d’attraper un objet ou réaliser des gestes en utilisant son pouce et son index comme pince (comme ouvrir un bocal).

Quels sont les symptômes?

Tout d’abord, la rhizarthrose se traduit par des douleurs mécaniques lors de la mobilisation du pouce. Cela peut évoluer par poussées: un jour, la douleur est très intense et la sensation diminue les jours suivants.

« Puis, le patient va ressentir une diminution de la force de la pince car le pouce est l’organe de la préhension. Il est le doigt « roi » qui permet d’exécuter des gestes fins et des mouvements de force », détaille Bruno Lussiez. Ainsi le patient va être de plus en plus gêné pour effectuer les gestes simples de la vie courante.

« Le troisième symptôme est l’enraidissement de la colonne du pouce avec une diminution des différentes mobilités. » Enfin, l’arthrose du pouce peut entraîner une déformation de l’articulation et le pouce va prendre la forme d’un Z.

« Inesthétique, cette déformation est également à l’origine d’un raccourcissement du pouce qui gêne la préhension. » À ce stade les douleurs sont moins importantes mais il devient impossible d’écarter son pouce afin de saisir les objets volumineux.

Quelle est la cause?

On ne connaît pas exactement la cause de cette maladie mais il semblerait que des prédispositions anatomiques tout comme l’hérédité ou les hormones jouent un rôle. Certains gestes répétitifs peuvent être des facteurs aggravants.

Qui est concerné?

Cette maladie touche particulièrement les femmes après la ménopause car la baisse d’œstrogène peut créer des douleurs articulaires. « Les tendons sont moins hydratés et le frottement use alors le cartilage. »

La rhizarthrose concerne également des personnes âgées qui vont perdre leur autonomie à cause des douleurs. Mais pas seulement. « Une population plutôt jeune et en activité peut développer cette maladie. Ces personnes qui ont une activité professionnelle et des loisirs peuvent être extrêmement gênées par la douleur au pouce. »

Quand faut-il consulter?

S’il n’est pas possible de régénérer le cartilage détruit, les symptômes peuvent néanmoins être soulagés. Dès que la douleur au pouce commence à devenir persistante, il est plus prudent d’aller consulter son médecin généraliste.

Il pourra alors donner un traitement de première intention comme des anti-inflammatoires ou une orthèse afin d’immobiliser transitoirement le pouce voire même de la kinésithérapie.

Cela peut fonctionner sur la rhizarthrose mais aussi sur d’autres pathologies qui donnent des douleurs très similaires comme la tendinite (inflammation d’un tendon -bandelette reliant un muscle à un os- qui se traduit par une douleur et parfois un gonflement).

« L’examen clinique ainsi que l’échographie permettront de cibler la pathologie. Parfois, il est possible d’avoir une tendinite mais aussi une arthrose du pouce. »

Et quand les douleurs persistent?

Quand la prise en charge initiale ne suffit pas, il est possible de consulter un rhumatologue. Ce dernier pourra expertiser l’origine de la douleur. S’il s’agit bien d’un cas de rhizarthrose, il peut conseiller au patient des infiltrations de corticoïdes pour soulager les poussées inflammatoires. En revanche, il ne faut pas dépasser deux injections.

Si les douleurs persistent, il faudra alors envisager une prise en charge chirurgicale (lire par ailleurs).

Dans certains cas (définis par le spécialiste), la chirurgie peut être proposée en première intention afin d’éviter les déformations inéluctables et les douleurs inutiles.

rhizarthrose

De haut en bas: radiographies de la main avant puis après la pose d'une prothèse trapézo-métacarpienne.

En savoir plus…

Depuis peu, un tout nouveau site internet est dédié à la rhizarthrose: www.arthrose-pouce.com. En facilitant l’accès à l’information, médecins, chirurgiens et industriels spécialisés dans la chirurgie de la main donnent toutes informations pour mieux comprendre la maladie.

Le public peut y consulter des témoignages de patients, des documents de référence en libre téléchargement ainsi que des informations en lien avec l’actualité scientifique et thérapeutique de l’arthrose du pouce.

Les visiteurs ont également accès à un annuaire de chirurgiens de la main formés à l’arthroplastie prothétique.

La pose de la prothèse privilégiée

Lorsque la rhizarthrose devient trop invalidante, la chirurgie reste le dernier recours. Deux types d’opérations peuvent être effectués par le chirurgien de la main : l’ablation du trapèze ou la pose d’une prothèse de pouce. Dans la première option, la trapézoctomie repose sur le retrait de l’os trapèze afin de supprimer la zone de contrainte articulaire. Elle se réalise sous anesthésie loco-régionale ou générale et dure une heure. Un pansement stérile et une immobilisation par attelle sont nécessaires. Mais cette technique n’apporte pas une totale satisfaction. « La douleur est supprimée mais le temps de récupération est assez long et peut prendre 6 mois. De plus, la déformation du doigt n’est pas corrigée et le côté inesthétique demeure », précise Bruno Lussiez. Depuis plusieurs années, de nombreux chirurgiens de la main privilégient la seconde option, c’est à dire la pose d’une prothèse trapézo-métacarpienne. « C’est l’équivalent miniature de la prothèse de hanche. Les résultats sont très encourageants : la douleur disparaît, le patient peut vite reprendre un activité sportive et la malformation est corrigée. » L’intervention peut-être réalisée sous anesthésie loco-régionale ou générale et dure environ 45 minutes. L’usure des pièces peut parfois imposer un changement du matériel dans les 15 à 20 ans après la première opération. « Mais cela dépend de l’utilisation de la prothèse par le patient. Les mouvements violents et chocs à répétition peuvent l’user. Rappelons que les pièces sont modulaires et que le changement d’une pièce est assez simple. »

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Dr Bruno LUSSIEZ

Chirurgien orthopédiste

main – poignet

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