Un régime alimentaire spécifique peut apporter un soutien utile aux patients souffrant de douleurs chroniques ostéo-articulaires liées à une inflammation excessive et au stress oxydatif (agression des cellules par un excès de radicaux libres). Les conseils alimentaires suivants, issus d’études scientifiques (1), visent à réduire l’état inflammatoire du corps. Ceux-ci s’adressent à la population générale et nécessitent d’être adaptés dans certaines situations pathologiques (maladies rénales notamment).

Dr Valérie MATTER-PARRAT et Mme Séverine OLIVIE

Dr Valérie MATTER-PARRAT et Mme Séverine OLIVIE

Les boissons

L’état de déshydratation du corps est significativement corrélé à la perception de la douleur (2). De plus, la déshydratation aggrave la constipation induite par certains traitements contre la douleur.

L’apport recommandé en eau est de 1,5 à 2L par jour et doit s’ajuster en cas de pertes augmentées (activité physique, chaleur, fièvre, diarrhées ou vomissements, etc.).

Le vin rouge contient des molécules aux propriétés antioxydantes et anti-inflammatoires. Il peut être consommé à raison d’un verre par jour pour les femmes et de deux verres par jour pour les hommes (un verre = 125 mL). La consommation d’alcool doit toutefois être limitée, voire exclue en cas de consommation d’antalgiques.

Les boissons sucrées doivent être limitées à une consommation occasionnelle. Les jus de fruits (même ceux sans sucres ajoutés), bien qu’ils présentent une meilleur profil nutritionnel qu’un soda, sont sources de sucres rapidement assimilables. A ce titre, leur consommation ne doit pas excéder un verre par jour. Il est préférable de ne pas les consommer en prise isolée mais plutôt dans le contexte d’un repas ou d’une collation.

Les fruits et légumes

Leur consommation apporte des vitamines, des minéraux, des anti-oxydants et des fibres permettant de diminuer l’inflammation et le stress oxydatif. A la différence des légumes, les fruits contiennent une teneur non négligeable en sucres et ne peuvent donc pas être consommés « à volonté ». Rappelons l’importance de consommer des produits frais (ou surgelés natures), diversifiés, locaux et de saison (https://www.mangerbouger.fr/manger-mieux/bien-manger-sans-se-ruiner/calendrier-de-saison).

Les féculents et les légumineuses

Leur consommation est recommandée pour leur action anti-inflammatoire. Les féculents riches en fibres (complets ou semi-complets) et pas ou peu transformés doivent être privilégiés pour leur faible index glycémique (élévation plus progressive de la glycémie).

Les légumineuses, riches en glucides, se distinguent des féculents par leur richesse en protéines. Bien que le soja ait montré des effets anti-inflammatoires, sa consommation (et celle des produits qui en dérivent) devrait être limitée du fait de son contenu en isoflavones (phytoœstrogènes).

Les huiles et les oléagineux

L’olive et l’huile d’olive sont riches en acides gras monoinsaturés et en polyphénols ayant des propriétés anti-inflammatoires. La consommation de certaines graines peut également représenter une source intéressante d’acides gras essentiels (noix, noix du Brésil, amandes, graines de courge, graines de lin, etc.), d’arginine et de magnésium et peuvent contribuer à lutter contre l’inflammation liée à la douleur chronique.

Bien que certaines études scientifiques (1) préconisent la consommation d’huile d’olive, il faut noter que celle-ci est quasiment dépourvue d’acide gras « essentiels » : l’acide linoléique et l’acide alpha-linolénique, précurseurs des oméga 6 et oméga 3 respectivement. Ces acides gras n’étant pas synthétisés par l’organisme, ils doivent être apportés par l’alimentation. En pratique, il convient de combiner ou de compléter l’huile d’olive par d’autres huiles riches en oméga 6 et 3 (huile de noix, de soja ou de colza), de préférence pressées à froid et ajoutées en assaisonnement.

Viandes, volaille, poisson et œufs

La volaille et les produits de la pêche sont à privilégier par rapport aux autres viandes et viandes transformées.

Malgré l’apport en oméga 3 précurseurs (présents dans les huiles citées précédemment), les auteurs rappellent l’importance d’apporter des oméga 3 dérivés (EPA et DHA) du fait de la réduction de la conversion des précurseurs en dérivés par l’organisme avec l’âge. La consommation de poissons et produits de la pêche qui en sont riches doit donc être privilégiée pour lutter contre l’inflammation. Les auteurs préconisent la consommation de quatre portions de poisson et produits de la mer par semaine.

Toutefois, notons que ces produits contiennent des polluants. Pour couvrir les besoins nutritionnels tout en limitant l’exposition aux contaminants, l’ANSES (Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail) recommande de consommer deux portions de poissons et produits de la mer par semaine dont une portion de poisson gras (saumon, maquereau, sardines, hareng, truite fumée) en variant les lieux d’approvisionnement. Pour certaines populations sensibles (femmes enceintes, allaitantes ou enfants de moins de 3 ans), il est recommandé de limiter la consommation de poissons prédateurs sauvages (dorade, loup-bar, lotte-baudroie, bonite, empereur, thon, raie, etc.) et d’éviter de consommer de l’espadon, marlin, siki, requin et lamproie.

Bien que l’œuf contienne des protéines d’excellente valeur biologique et de nombreux autres nutriments d’intérêt, il semblerait qu’il puisse avoir à la fois une activité pro et anti-inflammatoire. En l’absence de consensus, les auteurs recommandent de limiter la consommation d’œufs à deux fois par semaine (y compris ceux inclus dans les préparations).

Lait et produits laitiers

Le lait et les produits laitiers ont souvent mauvaise presse. Pourtant, ils apportent des protéines de bonne valeur biologique, des vitamines du groupe B, du calcium, etc.

Les yaourts et le lait fermenté permettent de maintenir le microbiote intestinal du fait de l’apport de probiotiques (organismes vivants ayant un bénéfice sur la santé de l’hôte). De plus, ces produits ne contiennent que des traces de lactose et sont généralement bien tolérés par les sujets souffrant d’intolérance au lactose.

L’activité inflammatoire ou anti-inflammatoire des fromages n’est pas consensuelle dans la littérature scientifique. Il est admis que l’excès d’acides gras saturés et de cholestérol favorise l’inflammation mais la présence de protéines de lactosérum (présentes dans les produits laitiers) semble avoir des propriétés anti-oxydantes.

Le sucre et les produits sucrés

Ils peuvent s’intégrer dans une alimentation équilibrée et diversifiée riche en antioxydants à condition que leur consommation soit occasionnelle et en fin de repas pour éviter l’augmentation brutale de la glycémie et une sécrétion exacerbée d’insuline.

Les épices

La consommation de certaines épices (curcuma, gingembre) a démontré une action anti-inflammatoire et antalgique. Leur usage au quotidien dans les préparations culinaires doit être encouragé.

Doit-on prendre des compléments alimentaires ?

L’alimentation équilibrée et diversifiée devrait permettre d’assurer la couverture des besoins nutritionnels chez un sujet en bonne santé. Une complémentation ne devrait être proposée qu’après avoir identifié des déficits d’apports par un bilan alimentaire et vérifié le statut de l’individu par des dosages appropriés si besoin (dosage sanguin). La correction de ces déficits par l’alimentation courante doit toujours être proposée en première intention.

Le magnesium

Le magnésium a un effet antalgique via le blocage des récepteurs de la douleur. Il est présent dans les fruits et légumes, les céréales complètes, les oléagineux, certaines eaux minérales très minéralisées, etc.

La vitamine C

Pour assurer un apport intéressant en vitamine C, il est recommandé de consommer au moins deux portions de crudités par jour.

Une supplémentation systématique en vitamine C (500 mg à 1000 mg/jour) reste controversée car certaines études ont démontré l’absence de rôle significatif dans le traitement ou la prévention de l’algodystrophie (3).

De plus, dans son avis du 28 avril 2009, l’Agence Française de Sécurité Sanitaire des Aliments indique qu’un effet pro-oxydant de la vitamine C a été observé chez l’Homme sur certaines bases de l’ADN dans quelques tissus (par exemple, les lymphocytes) et indique que les effets pro-oxydants ont été observés chez l’Homme dans deux études, uniquement après supplémentation avec des doses de 500 mg/j de vitamine C seule et de 240 mg/j de vitamine C en présence de 14 mg/j de fer. Les niveaux d’apports de vitamine C, pour lesquels des effets pro-oxydants ont été observés, ne peuvent être atteints que par la consommation de compléments alimentaires et/ou d’aliments enrichis.

La vitamine D

Certaines études ont démontré une corrélation entre déficit en vitamine D et douleurs chroniques. Par ailleurs, un bon statut en vitamine D est important pour le fonctionnement musculaire et permet de lutter contre l’ostéoporose en favorisant la fixation osseuse du calcium (4).

La vitamine D se synthétise essentiellement au niveau de la peau sous l’effet du rayonnement solaire. Les sources alimentaires de vitamine D sont peu nombreuses (poissons gras, produits laitiers non écrémés, aliments enrichis en vitamine D).

Une supplémentation en vitamine D est recommandée en cas de déficit avéré (dosage préalable).

La vitamine B12

Certaines études ont démontré l’efficacité de la supplémentation en vitamine B12 en cas de déficit pour le traitement des douleurs neuropathiques (5). La vitamine B12 se trouve dans les abats (notamment le foie), les poissons, les œufs, la viande, le lait et les produits laitiers. Les végétaliens et les personnes âgées sont des populations à risque nécessitant une surveillance du statut en cette vitamine. Une complémentation peut être proposée dans le cas où les besoins ne peuvent pas être couverts par l’alimentation. Il est important de préciser que la spiruline ne constitue pas une source fiable de vitamine B12 chez le végétalien (forme inactive).

Les omégas 3 dérivés

Les acides gras poly-insaturés dérivés (EPA et DHA) de la famille des Oméga 3 ont des propriétés anti-inflammatoires et peuvent être déficitaires dans certaines situations, notamment chez les personnes âgées. Il est important de s’assurer de la bonne couverture des besoins en acide alpha-linolénique (précurseur) à partir duquel l’organisme synthétise les dérivés. Toutefois, cette production endogène est insuffisante et moins efficace au cours du vieillissement.  Il est donc important de compléter les apports en EPA et DHA par le poisson et les produits de la mer (cf. viande/volaille/poisson/œufs).

D’après la littérature scientifique, une supplémentation en oméga 3 (1800 mg d’EPA et 1200 mg de DHA par jour) peut être conseillée chez les patients ayant des douleurs chroniques si ceux-ci ne parviennent pas à couvrir leur besoin par l’alimentation (aversion du poisson, allergies alimentaires, végétariens et végétaliens).

Schéma des groupes d'aliments

à apporter dans le cadre d’un régime alimentaire spécifique à l’inflammation chronique

Graphique alimentation equilibrée

Conclusion

Rappelons que, dans la lutte contre l’inflammation, il est important de prévenir l’excédent de masse grasse (le tissus adipeux secrète des substances inflammatoires) par une adéquation des apports et des dépenses énergétiques. La pratique d’une activité physique régulière et adaptée aux possibilités du patient est recommandée.

Un régime de type méditerranéen riche en fibres, en acides gras essentiels (notamment oméga 3) et en antioxydants (vitamine E, C, Zinc, Sélénium, phytonutriments tels que les polyphénols etc.) peut jouer un rôle dans la réduction de l’inflammation liée aux douleurs chroniques.

La correction des inadéquations d’apports doit privilégier l’alimentation courante en première intention (« Food First Phylosophy »). Le recours à une complémentation devrait être envisagée seulement en cas de déficit avéré, dans le cas où les apports ne pourraient pas être couverts par l’alimentation. Enfin, celle-ci devrait être systématiquement supervisée par un professionnel de santé qualifié en nutrition et après avoir pratiqué un bilan alimentaire et des dosages si besoin.

Tableau récapitulatif relatif aux repères de consommation des aliments participant à la réduction de l’inflammation dans le cadre de douleurs chroniques.

 

AlimentsRepères et fréquences de consommation
Fruits et légumes5 portions par jour
Huile d’olive (extra vierge)Tous les jours (plutôt en assaisonnement)
Oliveschaque semaine
Fruits à coquesUne poignée par jour (notamment noix et pistaches)
Produits céréaliers3 portions par jour
(privilégier les céréales non raffinées riches en fibres)
Légumineuses4 fois par semaine dont le soja 1 fois par semaine
Viandes rouges et transformées1 fois par semaine
Viandes blanches2 fois par semaine
Poisson et produits de la mer4 fois par semaine
Œufs2 fois par semaine
FromagesAu moins 2 portions par semaine
(en privilégiant ceux riches en lactosérum)
YaourtsTous les jours
Produits sucrés ou sucrés/grasOccasionnellement
Eau1,5 à 2 litres par jour
Vin1 verre par jour (femmes)
2 verres par jour (hommes)
EpicesChaque jour (en particulier le curcuma et le gingembre)

Bibliographie

  1. Rondanelli M, Faliva MA, Miccono A, Naso M, Nichetti M, Riva A, Guerriero F, De Gregori M, Peroni G, Perna S. Food pyramid for subjects with chronic pain: foods and dietary constituents as anti-inflammatory and antioxidant agents. Nutr Res Rev. 2018 Jun;31(1):131-151. doi: 10.1017/S0954422417000270. Epub 2018 Apr 22. PMID: 29679994.
  2. Bear T, Philipp M, Hill S, Mündel T. A preliminary study on how hypohydration affects pain perception. Psychophysiology. 2016 May;53(5):605-10. doi: 10.1111/psyp.12610. Epub 2016 Jan 20. PMID: 26785699.
  3. Saed A, Neal-Smith G, Fernquest S, Bourget-Murray J, Wood A. Management of complex regional pain syndrome in trauma and orthopaedic surgery-a systematic review. Br Med Bull. 2023 Apr 23:ldac034.
  4. Helde-Frankling M, Björkhem-Bergman L. Vitamin D in Pain Management. Int J Mol Sci. 2017 Oct 18;18(10):2170. doi: 10.3390/ijms18102170. PMID: 29057787; PMCID: PMC5666851.
  5. Julian T, Syeed R, Glascow N, Angelopoulou E, Zis P. B12 as a Treatment for Peripheral Neuropathic Pain: A Systematic Review. Nutrients. 2020 Jul 25;12(8):2221. doi: 10.3390/nu12082221. PMID: 32722436; PMCID: PMC7468922.
Fiche infos

Dr Valérie MATTER-PARRAT

Chirurgien orthopédiste

main – poignet

Fiche infos
Fiche infos

Séverine OLIVIE

Diététicienne nutritionniste
Ingénieur de maîtrise en Ingénierie de la Santé
Diplôme de Recherche Technologique en Génie Alimentaire et Biologique
D.U. Nutrition de l’enfant et de l’adolescent
D.U. Nutrition du Sportif
Fiche infos

Illustration originale : Dr Matter-Parrat – Mme Olivié
Infographies : L. Pinaud – IM2S
Tous droits réservés – reproduction et copie interdite