Caractérisée déjà en 1845 et décrite par le Dr Morton en 1876, la maladie de Morton ou métatarsalgie de Morton est aussi connue sous le nom de névrome de Morton ou plus simplement aujourd’hui «c’est un Morton». C’est une douleur du pied qui représente un motif très fréquent de  consultation en médecine générale, ostéopathie, rhumatologie, et bien sûr en podologie.

Cette affection touche surtout la femme (9 fois sur 10) , à l’age ménauposique, mais elle peut se voir de 20 à 80 ans aussi chez l’homme.

Elle touche en général un pied mais parfois les deux (1 fois sur 5).

Sa localisation principale est le 3ème espace inter- métatarsien, elle peut se voir au niveau du 2ème, plus rarement du 4ème et exceptionnellement au niveau du 1er

Morton : sa clinique doit être bien analysée car parfois déconcertante.

Il s’agit d’un syndrome associant plusieurs symptômes et signes :

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  • Chaussure trop étroite pour l’avant-pied

La douleur est le maitre symptôme

Typiquement caractérisée par l’apparition de douleurs particulièrement vives, ressemblant à des brûlures et dont la source se situe au niveau du troisième ou du deuxième espace inter-métatarsien , c’est à dire à la racine des orteils. Cette douleur irradie sur les faces adjacentes des orteils. Elle est déclenchée quand la patiente est en position debout et surtout à la marche. La patiente est alors obligée de se déchausser, ce qui est caractéristique. Elle ne peut plus porter de chaussures trop étroites et à talons hauts.

De façon moins typique il peut s’agir de simples douleur d’un orteil, de douleurs plantaires, voire du talon ou du mollet. Rarement ce sont des paresthésies (sensations bizarres désagréables) mal localisées.

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  • écartement des orteils en position debout
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  • grasping des orteils

Les signes d’examens sont pauvres ou bien au contraire typiques avec :

  • Une douleur déclenchée par la mise en hyper-extension des orteils (véritable signe de Lasègue par étirement du nerf « bloqué »)
  • Une hypo-esthésie (perte de sensibilité) cutanée des faces contiguës des orteils de l’espace concerné
  • La palpation d’une masse plus ou moins dure entre deux orteils à leur racine

Le doigt de l’examinateur peut refouler cette masse qui est mobile vers le haut , c’est à dire la face dorsale du pied. L’autre main presse les têtes métatarsiennes transversalement pour les rapprocher (à la manière de chaussures trop étroites) et peut alors percevoir un « clic » ou ressaut caractéristique qui déclanche parfois une douleur vive rappelant la symptomatologie. C’est le signe de Mulder.

  • En position debout on constate parfois un écartement des orteils concernés, une déformation en griffe du ou des orteils peut être associée ou au contraire une rectitude peut se voir.
  • Signe dynamique : Lorsque le patient marche il adopte parfois une attitude antalgique c’est-à-dire une gestuelle d’esquive pour éviter de charger la zone douloureuse et ainsi pour ne pas souffrir.
  • L’examen global ne doit pas être oublié, en particulier la recherche d’une obésité, d’une rétraction des muscles de la chaine postérieure (gastrocnémiens), d’un trouble de la marche, rechercher la force de grasping des orteils (l’appui pulpaire soulage les têtes).

Le diagnostic positif est parfois difficile d’autant que d’autres pathologies peuvent porter à confusion et parfois y être associées. Seul l’examen clinique minutieux pourra éclaircir la situation, en effet, le névrome de Morton ne doit pas être confondu avec d’autres affections comme :

  • Des métatarsalgies de cause biomécanique, la douleur étant plus localisée sous les têtes métatarsiennes ou à l’articulation métatarso-phalangienne. Celle ci pouvant présenter une instabilité avec un épanchement (syndrome du deuxième rayon)
  • Une bursite du pied : inter-métatarsienne (souvent associée avec « le Morton ») ou plus rarement sous métatarsienne (rechercher une maladie inflammatoire)
  • Une fracture des os sésamoïdes du pied (la douleur de ces fractures est très localisée)
  • Une fracture des os de l’avant pied (anamnèse et point douloureux exquis)
  • Un corps étranger passé inaperçu
  • Un œil de perdrix
  • Une affection dermatologique (verrue plantaire)…

Si au terme de l’examen un doute persiste , on pourra demander l’aide des examens paracliniques.
Les examens de laboratoire avec l’hémogramme ainsi que la mesure de la vitesse sédimentation et la recherche d’anticorps antinucléaires permet d’éliminer des affections rhumatologiques ou une infection.

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  • image IRM : éléments inflammatoires avec bursite inter-métatarsienne du 3ème espace.
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  • image IRM de « Morton » du 3ème espace

En aucun cas il faudrait aller à la facilité du raisonnement simpliste suivant :

douleur d’avant-pied = « Morton » = IRM

L’examen radiographique comparatif des deux pieds en charge est le complément indispensable de l’examen clinique. Il peut être enrichi par des incidences spéciales de ¾ et tangentielles.

L’examen échographique effectué par un opérateur entrainé en particulier aux manœuvres dynamiques est aujourd’hui un affinage de l’examen clinique pour la précision diagnostique et la mesure de la lésion. Il permet aussi nous le verrons la réalisation d’infiltrations guidées.

L’IRM est théoriquement l’examen de choix pour l’exploration des parties molles mais aussi elle permet d’éliminer les pathologies annexes possibles. Toute fois sa fiabilité dans le diagnostic du « Morton » est parfois malmenée dans les formes évoluées à dominance fibreuse.

La scintigraphie osseuse peut être utile si l’on suspecte un contexte inflammatoire.

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  • temps tardif

Quelles sont les lésions observées dans la maladie de Morton ?

Au plan anatomique

C’est une atteinte du nerf inter-digital (nerf situé entre les os constituant le métatarse c’est-à-dire les os de l’extrémité du pied) juste avant sa division en deux branches qui innervent les faces latérales de 2 orteils contigus . Au niveau du 3ème espace le nerf inter-digital a une double origine formé par moitié du nerf plantaire médial et par l’autre moitié du nerf plantaire latéral. Cela le rend plus fixe que ses voisins et plus vulnérable.

La tuméfaction du « névrome de Morton » est en général située en avant de ce ligament et entre les articulations métatarso-phalangiennes

Chaque nerf surmonté par la bourse séreuse inter-métatarsienne à laquelle il adhère parfois, est accompagné d’une artère qui court entre les deux. Artère et nerf accompagnés de graisse passent dans un canal osteo-fibreux dont le toit est formé par le puissant ligament inter-metatarsien.

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  • coupe coronale de l’avant-pied au niveau du tunnel osteo-fibreux inter-metatarsien

Au plan anatomo-pathologique

Il ne s’agit pas au sens strict du terme d’un névrome (correspondant une masse de fibres nerveuses) car le nombre des fibres n’est pas modifié.

On constate des lésions différentes en fonction de l’ancienneté des troubles cliniques :

  • au début on constate un œdème de l’endonèvre qui est la membrane de tissus conjonctif lâche entourant chaque fibre nerveuse. Cette phase serait réversible et peut expliquer la guérison spontanée.
  • après un an : Le nerf est progressivement remplacé par des éléments fibreux et perd ses qualités de transmetteurs et il devient dur et inélastique.

A ce stade les infiltrations cortisonées n’ont plus d’effet.

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Les causes de la maladie de Morton

Aujourd’hui la maladie de Morton n’a pas livré tous ses secrets en particulier quant à la présence des microfibrilles endoneuronales.

De multiples facteurs ont été évoqués :

  • anatomiques (fixité du nerf)
  • inflammatoires
  • vasculaires ischémiques
  • compressifs
  • mécaniques

Il semble que la théorie de la compression ou striction du nerf soit en corrélation avec les lésions microscopiques.

Le traitement de la maladie de Morton

Au début des troubles, le traitement conservateur est de mise.

Il associe :

  • Les médications antalgiques et anti-inflammatoires non stéroïdiens
  • Les modifications du chaussage (non compressif)
  • Les applications locales de chaleur ou de froid apportent quelquefois un bénéfice au patient et un soulagement
  • L’évitement des activités générant la douleur doit être proposé
  • Le port de semelles orthopédiques, d’un écarteur d’orteils
  • La pratique de kinésithérapie pour assouplir les muscles postérieurs et renforcer les fléchisseurs d’orteils, les massages plantaires, les ultrasons sur la zone algique
  • La mésothérapie peut être essayée, elle ne comportera pas de corticoïdes
  • Les infiltrations de corticoïdes sont classiquement utilisées. Le placement correct de l’aiguille pour l’injection est recommandé sous contrôle échographique.
  • Alcoolisation et phénolisation sont utilisées par certains autres auteurs.

Quand les traitements précédemment cités sont insuffisants il est parfois nécessaire d’intervenir chirurgicalement deux procédés sont en général pratiqués :

  1. soit libération nerveuse seule par section du ligament inter-métatarsien et résection de la bourse séreuse quand elle est hypertrophique :  si la lésions est de faible diamètre et relative-ment récente. Cela donne de bons résultats même si le ligament inter-métatarsien se reconstitue.
  2. soit en procédant à l’excision de la lésion. Cela sera proposé devant une lésion ancienne évoluant depuis plus d’un an et faisant plus de 5mm de diamètre à l’échographie, c’est à dire ayant peu de chance de régresser. La technique porte le nom de neurectomie. Celle ci est en général effectuée par voie dorsale avec comme précédemment section du ligament inter-métatarsien et résection de la bourse séreuse quand elle est hypertrophique.

La voie plantaire expose au risque de cicatrice hyperkératosique douloureuse et très difficile à traiter. La voie endoscopique est aussi utilisée.

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  • « névrome » faisant saillie avant la section du ligament inter-metatarsien

Dans notre pratique à l’IM2S

L’intervention est réalisée sous anesthésie loco-régionale avec garrot pneumatique à la cheville et  avec loupes chirurgicales. La  voie d’abord est mini-invasive  dorsale avec section du ligament inter-metatarsien et résection de la bourse séreuse quand elle est hypertrophique.

Il ne faut pas oublier que la résection de la lésion oblige à l’amputation du nerf interdigital et va donc laisser persister un névrome d’amputation (en anglais amputation neuroma). Celui-ci ne doit pas faire  une cicatrice excessive s’accompagnant d’un tableau douloureux. C’est l’extrémité proximale c’est-à-dire celle orientée vers les centres nerveux qui est concernée. Pour cela il est recommandé de sectionner le nerf le plus haut possible sans le traumatiser et afin qu’il soit situé dans une zone de non appui au sein des tissus mous.

Aussi avant sa section proximale, le nerf est infiltré de Xylocaîne et coagulé au bistouri électrique bipolaire (pour éviter les brulures de proximité). Avant la fermeture et après la réalisation de  l’hemostase , un coagulum autologue  de PRF (platelet rich factor) est posé dans la zone de résection.

Toujours dans le but de minimiser la repousse anarchique du névrome d’amputation, une semelle moulée de protection plâtrée est mise en place pour 8 jours. L’évitement de l’appui sur l’avant pied est recommandé pour 3 semaines. Une quinzaine de séances d’ ultrasons à visée desinfiltrante sont prescrits après le quinzième jour.

Sur 45 patients opérés de mars 2006 à mars  2009, 28 patients ont été revus  et les autres  ont répondu à un questionnaire, 5 n’ont pas répondu. On a pu constater 85% de bons et excellents résultats, 10% de résultats moyens et 3,4% de mauvais résultats. Tous les névromes ont étés confirmés par l’examen anatomo-pathologique.

Cela est en accord avec les meilleurs  résultats publiés dans la littérature. Les cas de  récidive sont donc possibles et bénéficieront d’un traitement médical symptomatique tel qu’il est décrit ci-dessus. Parfois une intervention chirurgicale est à nouveau  nécessaire, une nouvelle résection associée si besoin à un tubing veineux, c’est à dire un enfouissement de l’extrémité du nerf dans une veine . Mais il faut signaler que le taux d’échec est relativement important (environ 30%).

Conclusion

Lorsque la chirurgie est nécessaire (lésion de plus d’un an et relativement volumineuse ne répondant pas au traitement médical), elle permet, dans environ 85% des cas une guérison définitive de la maladie.
Dans certains cas on constate par la suite une hypoesthésie (perte de la sensibilité) liée à la résection du « névrome ». Celle-ci n’est pas gênante en général et peut récupérer dans l’année qui suit.

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Dr Michel MAESTRO

Chirurgien orthopédiste

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